15/09/2019

Des enfants et leurs parents jetés à la rue.

Temps d'écoute : 22'28''

Les faits

Le 29 août dernier à Saint-Denis (93), 15 familles sont jetées à la rue hors de leur logement du 6 rue Raspail, évacuées manu-militari par la police à 7h00 du matin. Il s'agit de familles syriennes, des personnes réfugiées, dont toutes et tous les membres seraient demandeur·euse·s d'asile. Certain·e·s ont formulé leur demande depuis plus d'un an, d'autre depuis peu. Nous avons rencontré Abdelkarim qui a vécu cette expulsion et c’est YahYa qui est notre interprète :

Interview 1 Abdelkarim

Et pourtant c'est bien le cas, en France on expulse les familles. Ce jour là avant 7h00 tout était tranquilité. Soudain c'est le passé qui revenait, la panique de la guerre comme dans un cauchemar, il fallait fuir. Encore.

Interview  Abdelkarim

 

Faire expulser des mal-logés !

Le 6 rue Raspail est un immeuble géré par le bailleur FREHA, du groupe Emaus. Cet immeuble est tellement bien géré qu’un marchand de sommeil pourra y exercer son activité lucrative pendant de nombreux mois. Comme dans tous ces cas d’escroquerie, il établira de faux contrats de location et empochera les loyers auprès des familles qui s’installent en toute confiance. Voilà plus d’un an que Freha aurait alerté la Préfecture. Ce qui est déplorable c’est que l’issue de cette situation n’a rien de caritatif ni de social. Freha organisme associatif, sans réel scrupule, ne fait rien pour accompagner ces familles entre la première alerte et l’intervention de la police le 29 aout dernier. Ces hommes et femmes ont été expulsés à l’issue d’une procédure de plus d’un an où l'on aurait pu s’intéresser à leur sort. Mais on a préféré laisser perdurer la situation en ne traitant pas l'aspect sociale ni humanitaire, seulement l'aspect administratif.
Quelle aberration ! EMAUS fait expulser des mal-logé·e·s. Et si sur le site de Freha vous pouvez lire : Depuis 25 ans, Freha participe activement à la lutte contre la crise du logement, la précarisation des ménages et le décrochage social. Freha consacre toutes ses compétences au logement et à l'accompagnement des personnes les plus démunies et les plus mal-logées, c'est bien cet acteur lui-meme, émergence de l'institution caritative catholique, associatif, qui agit comme une simple entreprise à profit, abandonnant à leur sort ceux qui aujourd'hui appellent au secour.

 

Interview  Abdelkarim


Dans l'urgence, les familles se sont donc installées dans le square de Geyter non loin de leur précédente habitation. Leurs conditions de vie sont intenables, comme nous l’expliqua une membre du collectif de soutien. Pas de douches ni de toilettes, sous des tentes à la merci des intempéries et des températures qui commencent à baisser, dans des situations médicales pour certains et certaines graves. C’est le dénuement le plus total pour ces familles ayant dû partir à la hâte lors de l'expulsion, laissant derrière elles tout ou partie de leurs possessions et craignant fort pour leur statut de réfugiés.

Sur notre site, vous pourrez voire une vidéo où les enfants décrivent leur vie et leurs ressentis. Vous pouvez comprendre le parcours des familles et saisir l'injustice de la situation. Sur les 38 enfants, 15 sont actuellement scolarisés.

 




 


Mardi 10 septembre

La course contre la montre débute pour sécuriser les familles. Nous avons assisté à une réunion du collectif Solidarité-Familles-Syriennes-rue-raspail.

Une vingtaine de personnes réunies en cercle sous le Chapiteau Raj'ganawak pour expliquer aux familles la situation et élaborer avec elles les actions à mener pour trouver des solutions rapides.

Une délégation que nous avons suivie est allé à la rencontre de Jaklin Pavilla, première adjointe au Maire de Saint-Denis, en charge des solidarités. L'élue de Saint-Denis revenait elle-même d'une réunion par laquelle la municipalité de Saint-Denis, l'association  Alteralia, le bailleur social Freha, Emaüs, la Fondation Abbé Pierre et le Département allaient proposer un plan collectif de prise en charge à Fadela Benrabia Préfète déléguée à l'égalité des chances en Seine-Saint-Denis. Cette réunion devait permettre à chacune des parties d'agir pour un relogement de 30 jours et à hauteur de 45000€.
Cette solution en particulier grâce à l'action de l'opérateur Alteralia a pour vertu de mieux diagnostiquer les besoins de familles en fonction de leur situation administrative mais aussi sanitaire. Tout le monde à Saint-Denis s'y accroche alors avec grand espoir même si ce plan est bien en deçà de ce que les membres du collectif désiraient cherchant eux-même à convaincre les partenaires de soutenir un projet sur 3 mois. Il faut savoir qu'un plan d’hébergement court, pour une durée de 30 jours, c'est souvent le retour à la case départ : la rue.

Et bien cette réunion fut tres decevante des dires de l'Adjointe elle-même.

Interview Jaklin Pavilla

Ainsi, la Préfecture, parce qu'elle considère l'occupation du lieu comme illégale, choisira de ne pas soutenir ne serait-ce que le projet d'1 mois. Au 10 septembre donc, des personnes dans la necessité vivront encore dans un parc de la ville et ne pourront compter que sur la solidarité populaire tandis que l’État se déleste de toute responsabilité. Lorsque Madame Benrabia rapporte un "non" catégorique, c'est effectivement l'État français qui fait le choix de l'abandon d'enfants et de mise en déroute de familles. L'État se protège ainsi de toute jurisprudence pour pouvoir continuer sa politique hiératique envers les réfugiés. On bascule pour cela la culpabilité sur ces familles-victimes qui occupaient, bien malgré elles, illégalement un immeuble appartenant à l’organisation caritative Emaus.

Jeudi 12 septembre

C’est donc sans la Préfecture que les même acteurs vont s’organiser pour un hébergement des familles durant 30 jours. Des familles sont relogées jusque Noisy le Grand ce qu'il aurait fallu éviter. La solution d'un hôtel qui accueille à l'autre bout du département désorganise les relations et surtout crée une grande difficulté pour les enfants à continuer leur scolarité. Une école primaire située à 1h00 de transport cela veut dire 4h00 de transport pour les parents. L’élue de la ville  lors de la présentation du plan, demande aux parents, avec un peu d’indécence, d’être exemplaires et de faire tout pour que les enfants aillent à l’école.

 

Samedi 14 septembre

Il reste deux familles non-hébergées. L’une n’ayant pas de place en hôtel, l’autre s’étant retrouvé devant un hébergement qui n’avait rien de la résidence sociale promise mais tout d’un lieu de traffic dans lequel le père a refusé d’installer ses enfants.

Durant ce mois, il y aura un suivi social et administratif des situations, au cas par cas, par Alteralia dont le collectif a reconnu l’expertise, l’expérience et le rapport humain respectueux avec les familles. Familles qui espèrent toutes de pouvoir en finir avec ce cauchemar de l’exil et pouvoir acquérir le statut de réfugié.

Interview  Abdelkarim

Tout cela se passe aujourd'hui sous nos fenêtres, à nos portes. Des personnes jetées sur les routes de l’exil, fuyant la guerre, la famine ou la pauvreté. Elles sont souvent ensuite pourchassées et jetées, comme pour ces familles, à la rue.
Tout cela ce passe avec la complicité de l’État et parfois même d'organisations caritatives. Nous marchons sur la tête. La charité institutionalisée finit par selectionner ses bénéficiaires en mettant à la rue les autres. Le droit d’asile sans la volonté d’asile n’est qu’une chimère qui jettent dans la précarité ses victimes. Et nous en sommes responsables.


La page facebook du Collectif de soutien aux familles :

Solidarité-Familles-Syriennes-rue-raspail

 




Revue des parutions:

Le journal de Saint-Denis - et le  Diaporama des photos de ©Yann Mambert

Radio Parleur

Fumigène

 


*********