SIDA on meure, l'indifférence demeure* !

Rédigé le 01/12/2019
Martha

La journée mondiale de lutte contre le sida avait lieu ce 1er décembre 2019. 31ème du nom, place de la République à Paris, dans le froid.

Cette journée mondiale a pour but de visibiliser, de sensibiliser et de faire focus sur les réalités de l'épidémie. Elle doit permettre de communiquer sur les données chiffrées, les avancées de la science et la nécessité de la prévention et de la prise en charge. Malgré des décenies de lutte et si tout le monde est concerné par le sida, nous ne sommes pas égaux.ales devant lui :

  • 22 fois plus élevé chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.
  • 22 fois plus élevé chez les personnes qui s'injectent des drogues.
  • 21 fois plus élevé pour les professionnel(le)s du sexe.
  • 12 fois plus élevé pour les transgenres.

Ces chiffres sont la triste et affligeante réalité. Pour Act Up, l'épidémie est politique liée aux conditions sociales de la population. Les orientations politiques créent la précarisation de nos communautés:

L'État tue sans s'en préoccuper : les migrantEs que l'État maltraite et qui n'ont pas accès aux soins, les travailleur-SEs du sexe que les pouvoirs publics - y compris la mairie de Paris - jettent en pature, les détenuEs qui ne bénéficient pas de l’accès aux soins dans les prisons, les usagerEs de drogue à qui l’ont refuse toute dignité et les personnes LGBT+, plus particulièrement les personnes Trans, qui doivent faire face aux rejets et aux attaques répétées des mouvements réactionnaires qui gangrènent notre société.

A la barre, dans leur mépris flagrant, le neolibéralisme et le traditionnalisme, deux facteurs agravants. Les politiques publiques n'ont jamais autant été soumises à la baisse des budgets, les moyens manquent aux structures de soin ; la mise en avant des positionnements réactionnaires n'a jamais autant ostracisé les minorités LGBTQI+.

Et ces dynamiques touchent tous les pays puisque cette année l'ONUSIDA a choisi de mettre à l'honneur les organisations communautaires. La 31ème Journée mondiale de lutte contre le sida devient ainsi pour l'ONU "une plateforme essentielle pour souligner [leur] importance alors que l’on assiste à un recul des financements. Un constat incroyable pour cette instance qui voit le retrait des politiques publiques en terme de continuité des services apportés ainsi que des efforts de sensibilisation.

 

En effet selon le CNS, Centre National du Sida, dans sa note valant avis sur les orientations de la politique de dépistage du VIH en France datée du 27 novembre :

La lutte contre l’épidémie en France est ainsi à un moment critique. La situation actuelle est inacceptable alors que tous les outils permettant d’enrayer l’épidémie sont disponibles, allant du dépistage du VIH (sérologies conventionnelles, TROD, autotests) aux traitements antirétroviraux : TasP (Treatment as Prevention), PrEP (Prophylaxie pré-exposition) et TPE (traitement post-exposition).

[...] Alors que la lutte contre le VIH fait l’objet d’une mobilisation internationale importante, notamment de la part de la France, une remobilisation forte s’impose sur le plan national pour dépasser les obstacles qui perdurent en matière d’accès au dépistage et aux outils innovants de prévention.

 

Lutter contre le sida ce n'est pas seulement lutter contre une maladie, c'est lutter contre une réalité de classisme et de discrimination d'État. Act Up, dénonce les économies dans la lutte contre la précarité, reliant ainsi l'acte politique autant que désespéré  de Anas k. qui s'est immolé devant le CROUS de Lyon et expliquant son geste par l'acharnement du capitalisme. L'association Act Up fait appel à l'article 223-13 du code penal, pointant ainsi la responsabilité de l'État qui pousse au suicide les précarisé·e·s.  Act Up rassemble toutes les luttes dans la convergence puisque au coeur des revendications c'est la pauvreté toujours qui expulse les corps et les existences du champ social. Ce qui fait dire à Act Up que:

[...] le pouvoir des jeunes cadres dynamiques souhaite des pauvres [elleux] morts.

Comme l'a fait cette année l'ONUSIDA, le gouvernement compte sur les associations pour gérer les difficultés sociales tandis qu'il réduit les crédits. Par ses décisions, ce dernier précarise les plus fragilisés et Act Up demande donc à ce que les revendications suivantes soient prises en compte:

  • Le maintien de l’AAH quelques soit votre statut marital
  • La généralisation de l’accès au dépistage gratuit dans les laboratoire de ville
  • le maintien de l'accès à la complémentaire santé solidaire pour tout demandeur d'asile sans délais de carence
  • l'intégration de l'Aide Médicale d'Etat (AME) au droit commun de la Sécurité Sociale
  • la démédicalisation et la déjudiciarisation des parcours de transition
  • l’arrêt des mutilations intersexes
  • l'abrogation de la loi de pénalisation des clients d'avril 2016
  • l'abrogation de la loi de 1970 relative à l'usage de stupéfiants

Après 30 années de lutte durant lesquelles Act Up n'a eu de cesse de Dénoncer et rendre visibles les obstacles à la prévention, à l’accès aux soins et aux droits pour touTEs, qu’il s’agisse de barrières institutionnelles, sociales ou industrielles, cette journée mondiale pour la lutte contre le SIDA aura encore été marquée par le constat d'un énorme frein politique dans la prise en charge de l'épidémie et surtout de la reconnaissance sans conditions des droits des personnes à exister dans ce qui les caractérise sans subir d'oppression. En rassemblant, toutes ces revendications c'est aussi le moyen pour l'association de faire que cette convergence rassemble tous·tes celleux qui ont compris que le SIDA n'est pas une fatalité, et que les réponses à cette épidémie sont politiques et ne sont pas seulement du ressort de la médecine.

 

 

 



L'affiche Act Up qui fait de l'ère Macron la Promotion SIDA par des orientations pollitiques discriminantes et criminelles.

 


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Le discours place de la République


 

 

La veille

La Maire de Paris inaugure une plaque d'une place du 10eme arrondissement qui porte maintenant le nom de Cleews Velay, militant Act Up mort du SIDA

Voici le discours de Marc Antoine Bartoli, président de Act Up-Paris, assistant à la commémoration:

C'était dans les bouches de toutes les militantEs il y a 25 ans : le SIDA c'est la guerre, ACT UP  en  colère !  25  ans  plus  tard  cette  guerre  est  toujours  d’actualité.  Les  politiques  des gouvernements successifs ont encore des effets sur les corps et le VIH/SIDA montre les corps qui ne comptent pas pour l'État, que l'État tue sans s'en préoccuper : les migrantEs que l'État maltraite et qui n'ont pas accès aux soins, les travailleur-SEs du sexe que les pouvoirs publics - y compris la mairie de Paris  -  jettent en pature, les détenuEs qui ne bénéficient pas de l’accès aux soins dans les prisons, les usagerEs de drogue à qui l’ont refuse toute dignité et les personnes LGBT+, plus  particulièrement  les  personnes  Trans,  qui  doivent  faire  face  aux  rejets  et  aux  attaques répétées des mouvements réactionnaires qui gangrènent notre société.   

25 ans c’est aussi mon âge. Pour un pédé qui a grandit en Corse, être président d’Act Up-Paris  n’est  pas  un  hasard,  c’est  même  lourd  de  sens.  Pendant  mon  adolescence,  j’ai  subi l’absence de politiques en matière de santé publique et de prévention, d’éducation à la sexualité et d’accès à l’information sur le VIH/SIDA et les IST. Cette absence m’a mis de nombreuses fois en danger, ne sachant pas quoi faire ni vers qui me tourner pour parler de ces sujets en toute confiance. Ce désengagement des pouvoirs publics en régions et dans les territoires insulaires est inacceptable,  une  mise  en  danger  systématique  des  populations  et  des  jeunes  dans  leur quotidien, un frein considérable à la banalisation du dépistage, qui est également dénoncé par le Conseil National du Sida dans sa note valant avis du 21 novembre dernier.  Je  suis  parti d’Ajaccio pour fuir la  violence,  pour fuir la  haine  de l’autre,  pour fuir les attaques contre mon homosexualité, et les insultes puis les coups répétés de mon père. Cette vie insulaire, durant laquelle je me suis cherché avec de multiples partenaires, était quasi clandestine sans  pouvoir  fréquenter  un  espace  communautaire  LGBT+  puisqu’il  n’en  existe  aucun. L’apparition des applis de dragues et des réseaux sociaux n’a pas réglé les problèmes, bien au contraire,  puisqu’il  est  très  difficile  de  s’afficher  encore  aujourd’hui  sur  ces  outils  de communication qui propagent bon nombre de discriminations, à commencer par la sérophobie. Vivre cacher mais pas pour vivre heureux. J’ai dû faire face aux rejets, à la stigmatisation, à l’incompréhension, aux regards douteux et déplacés parce que je ne faisais pas parti du carcan insulaire et que  je  n’avais pas les codes  pour exister comme je l’entendais. Fuir  donc pour  se trouver, s’enivrer, se découvrir sexuellement et intellectuellement.  Venir  à  Paris  pour  s’affirmer  ou  s’activer  en  tant  que  LGBT+  est  une  évidence  pour beaucoup de jeunes de ma génération. Quand on vient des quartiers populaires, de la banlieue, d’une  région  reculée  ou  d’une  île,  ce  désir  d’émancipation  est  plus  fort  que  tout.  Je  fais également  parti  d’une  génération  qui  doit  plus  que  jamais  relever  le  défi  de  faire  baisser  la courbe des contaminations. Cela passe inévitablement par notre propre visibilité dans l’espace public et par les droits que nous exigeons pour les travailleuSEs du sexe, pour les trans, pour les sans-papiers, pour les usagerEs de drogues et pour les personnes incarcérées. C’est à dire toutes celles  et  ceux  qui  n’apparaissent  pas  dans  les  données  épidémiologiques  de  Santé  Publique France !

Je ne cesserai jamais de répéter que nos mobilisations nous donne raison, même si elles nous fatiguent et nous épuisent, car nous sommes déterminé à ne rien lâcher pour ne plus voir nos frères et nos sœurs crever dans le silence.  

Une plaque c'est une bonne manière de se refaire le teint couleur arc-en-ciel et comme les institutions  préfèrent  les  militantEs  mortEs  que  vivantEs,  nous  continuerons  à  déranger  votre société  bourgeoise  qui  refuse  toujours  de  regarder  la  précarité  gangréner  nos  communautés, celles des pédales, des gouines, des butchs, des trans, des bi, des putes et des sans papiers, que nous soyons à Paris ou ailleurs.  Voilà ce que m’inspire cette cérémonie.

Voilà ce que m’inspire vos mondanités, vos bals de faux culs et vos ronds de jambe dès qu’il  s’agit  de  parler  de  celles  et  ceux  qui  crèvent  dans  l’indifférence  générale :  les  jeunes précaires, les misérables, les migrantEs et les malades.

Voilà  ce  que  m’inspire  votre  politique  bourgeoise  qui  tente  par  tous  les  moyens  à l’approche des municipales de sceller les tombeaux de celles et ceux qui sont mortEs, qui hurlent encore, et qui sont la mauvaise conscience du pouvoir que vous incarnez aujourd’hui.

Nous ne voulons pas d’un enterrement de première classe car Act Up-Paris est toujours là et nous sommes bien vivantEs !

Voilà ce que m’inspire vos blabla interminables et vos courbettes politicardes pendant que notre mémoire, celle de Cleews et de tant d’autres, est bradée à moindre frais pour être servi aux  Archives  Nationales  sur  un  plateau  d’argent,  sans  écouter  les  personnes  concernées  et l’ensemble  des  exigences  que  nous  vous  adressons  pour  sanctuariser  les  lieux  LGBT  et  pour archiver et valoriser ce que nous avons construit pendant des années de lutte.

Voilà ce que j’avais à vous dire. Démerdez-vous avec ça !!

Discours de Marc-Antoine Bartoli, président de Act Up-Paris

30 novembre 2019

https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=3361661533909054&id=100001957216161


 

 

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Le discours de Gwen Fauchois, ancienne vice-présidente de Act Up.

 


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Sources: