03/05/2022

Chronique d'une soignante non vax

"C’est l’histoire d’une soignante de 50 ans, de son choix de ne pas être vaccinée et de tout ce que cela a bouleversé."

Ainsi débute ce podcast, deux ans après le premier confinement contre le COVID, les applaudissements quotidiens aux fenêtres pour féliciter et remercier les soignant·es de l'hôpital public.

Temps d'écoute 16'55"
Temps de lecture intro : 2'35"

Introduction :

La soignante qui s'exprime ici temoigne d'une période qui la fera passer d'un hyper-investissement personnel à l'humiliation de la stigmatisation pour précipiter sa fin de carrière. Lorsqu'il s'agissait d'être au feu au début de la pandémie, le management des services des hôpitaux aura sollicité au plus haut niveau les personnels soignants. Malgré le manque d'équipement de protection, il fallait faire ce pourquoi on était fait : sauver des vies. Il y eut des contaminations chez ces personnels au contact des malades, mais sans aucune mesure avec les contaminations qui courraient à l'extérieur. Les soignant·es se soumettaient, affecté·es par les morts en nombre, tout en voyant les aberrations d'organisation  ou subissant les pénuries de matériel, les manques d'effectifs. Une population mal considérée et revendiquant depuis des années plus de moyens et une revalorisation de leur métier. Le management au niveau des établissements aura pû gérer la crise grâce à l'abnégation des professionnel·les de soin. Le management d'État aura précipité ce même personnel dans une autre crise.

Pour stimuler l'adhésion à la vaccination de masse auprès de la population et alors que les soignant·es étaient encore au feu, en juillet 2021 l'obligation vaccinale contre le COVID19 a été décrétée par le gouvernement pour tous les métiers de soin. L'obligation vaccinale est en soi une procédure communément admise et réglementaire à laquelle tout·es professionnel·les de santé se soumet régulièrement. Lorsque cette procédure porte sur des vaccins à l'efficacité prouvée cela simplifie l'adhésion. Or dans le cas du nouveau vaccin anticovid, la précipitation de commercialisation et les attermoiements politiques ont créé le doute. Chez les soignant·es davantage, puisque des mois sans vaccin ni matériel adéquat pour leur protection n'avaient pas engendré de contamination de masse au sein des équipes. Pour contrer la défiance, le management des troupes par le gouvernement fut directif, menaçant et ostracisant.

Les personnels soignants non vaccinés devenaient les contaminants criminels de patients au sein de l'hôpital, alors même que des personnes vaccinées contractaient le virus et contaminaient leur entourage. De nombreuses personnes se firent vacciner sous la contrainte pour conserver leur emploi et ne pas risquer la suspension de leur salaire. Les soignant·es qui n'auront pas cédé aux menaces furent suspendues et durent quitter leur emploi.

Un management en force qui n'aura été que mépris pour un personnel de santé à qui on refusait le crédit de la défiance alors même que le doute était dû à leur professionnalisme. Le mépris de ce management d'État aura fait perdre au service public bon nombre de compétences. Le gouvernement en guerre contre le COVID, aura fini par se retourner contre ses propres troupes pour créer son ordre nouveau de l'après-covid.

Ce témoignage ne dit pas que le vaccin est une erreur. Il ne dit pas qu'il n'y a pas eu de contamination hors vaccin. Alors qu'il pourrait s'en servir comme argument, il ne dénonce pas non-plus l'étrangeté systémique d'un vaccin qui ne protège pas des personnes multi contaminées, en avril 2022 encore prises au coeur d'un cluster lors d'un mariage. Il montre  comment le management de l'État macroniste est violent et incompétent envers celleux à faire converger, parce qu'autocratique. Il met au jour la faille entre la classe de celleux qui triment et de celleux qui décident. Le désespoir pour celleux qui veulent rester maître·sses de leur vie et doivent subir le bonapartisme d'État et un management sans humanité.

Ce témoignage, c'est celui d'une personne acculée à la reconversion sans aucun respect de son parcours ou de sa dignité.



Avant l'hôpital c'etait entrée libre pour les idigents, les malades, les infirmes...

 

 

Retranscription du témoignage


Temps de lecture : 10'

C’est l’histoire d’une soignante de 50 ans, de son choix de ne pas être vaccinée et de tout ce que cela a bouleversé.
Je vais te parler de mon cas personnel et uniquement du mien. De ce que j’ai vécu ces deux dernières années, des décisions que j’ai prises en toute conscience et de ce qui en écoule.
Parce que peut-être que tu n’as pas notion de ce que l’État nous a fait vivre, nous a imposé, a exigé de nous, et de ce qu’implique cette obligation vaccinale ou son refus.
Je te résume vite fait mon historique professionnelle. Je suis infirmière depuis 1994, un siècle, bientôt 28 ans. Après quelques années de pratique en réanimation, SAMU et urgences, j’ai suivi 2 années d’études supplémentaires pour être spécialisée en anesthésie. Depuis 2002, j’ai arpenté de nombreux blocs opératoires où j’ai bâti de solides compétences.
Je vis dans le sud où j’exerçais à mi-temps à l’hôpital public et à mi-temps en faisant des remplacements d’anesthésie dans des cliniques privées.
Je peux avec fierté dire que j’étais apréciée par mes employeurs pour mes compétences, mes connaissances, ma disponibilité et mon sourire. Mon plus? Un vrai contact avec les patients, une écoute bienveillante qui leur  bien souvent permis de lâcher leurs émotions.

Allez! passons maintenant aux événements qui m’amènent ici.
Nous sommes en février 2020. On sent arriver quelque chose d’inédit. Des perturbations jamais vues. L’inconnu dans tous les domaines. Des questions sans réponse. La peur. Personne ne sait.
Pour certains, une sorte de frénésie à l’idée de sauver des vies. Le syndrome du héros. Pour d’autres, dont j fais partie, une grande méfiance et beaucoup de recul.

Confinement. Les blocs opératoires stoppent toute activité programmée. On ne traitera que les urgences. Pour libérer du personnel. Pour limiter les risques de contamination. Pour libérer des lits.

Dans le bloc où je travaille, nous sommes obligés de modifier complètement notre fonctionnement. Le nombre de salles d’opération est diminué, la salle de réveil est transformée en service complet de réanimation. Nos horaires et plannings sont bouleversés, sans discussion possible. Nous travaillons maintenant douze heures par jour et pour la réanimation, il nous faut aussi travailler de nuit.
Il se pose rapidement le problème du manque d’équipements de protection. Pour le bloc opératoire, nous recevons un mail de notre cheffe de service qui nous indique que par souci d’économie, les masque FFP2 seront réservés aux médecins. Heu ! Non ! Hors de question qu’en plus des modifications de fonctionnement, je prenne des risques supplémentaires pour ma vie.
Par chance notre hôpital est proche d’un site nucléaire qui fait un gigantesque don de tenues. Sans ça, nous aurions nous aussi mis des sacs poubelle et des masques de fortune fabriqués par nos soins.
La peur, encore et toujours, par manque d’information. A cause des changements incessants de consignes parfois dans la même journée. Au bloc, nous avons réussi à former un cocon protecteur, de soutien et de bienveillance. Nous faisions face ensemble, avec une même philosophie.

Le temps passe, la situation se banalise.

Nous sommes un petit hôpital, nous ne traitons peu puis plus du tout de cas graves. la réanimation ferme ses portes. L’activité chirurgicale reprend. Nous sommes alors sous le feu de nombreux cas de cancers détectés tardivement. Période triste et rageante.

Liberté de fin de confinement pour tous et toutes. Mais nous savons, cela n’est pas fini. Profitions donc tous des congés d’été. Nouvelle vague qui arrive à la rentrée. La réanimation ouvre à nouveau ses portes. Le bloc ne stoppe pas toute activité, nous avons compris la leçon. Il faut conjuguer activité et réduction du nombre de salles et de personnels. Cette fois-ci, ce sera dur pour nous. De nombreux cas, les patients sauvables, sont mutU. Nous avons beaucoup de fins de vie. Gros épuisement moral de prendre en charge des personnes conscientes au départ et qui décèdent de cette merde.
Nous, en cas de doute de contamination, il nous est quasi impossible d’accéder à des tests, on nous le refuse. Il faut aller consulter son propre médecin traitant et passer par le circuit de ville. De toute façon, cas contact tu vas bosser ; positif sans signe, tu vas bosser, contrairement à ce qui est dicté par l’État pour le reste de la population qui doit s’isoler dans les deux cas. Au charbon les soignants !

Fin 2020, la promesse d’un vaccin se profile. Avec toujours beaucoup de questions sans réponse. Puis arrivent les consignes officielles de vaccination édictées par l’État.
Les soignants ? Et bien nous allons attendre notre tour, nous ne sommes pas prioritaires mais en troisième ou quatrième position. Sauf si nous avons des pathologies cofacteurs de mortalité.
Certains se précipitent dès que c’est possible, l’annonçant haut et fort avec fierté et regards de provocation. Les avis sont partagés, les discussions enflammées. Cela devient LE sujet dont tout le monde parle. Puis la situation se stabilise. La vie reprend son cours.

Et voilà le mois de juillet 2021. Et cette annonce : « Les soignants DOIVENT être vaccinés! » Ils contaminent et tuent des patients à l’hôpital ! Pardon??

Dans mon équipe (une centaine de personnes tous corps de métier confondus) seules deux ont été contaminées. A-t-on des études, des statistiques à nous montrer pour étayer cette théorie des soignants tueurs ? Évidemment non.

Nous devenons donc les cibles à abattre. De héros de la Nation nous passons à contaminants criminels ! S’en est trop pour moi. Ma coupe se remplit. De colère. De frustration. D’injustice. L’été fait monter le niveau.

Les médias relayent des propos odieux, des idées d’un autre temps. Des individus interviewés affirmant ne pas vouloir être pris en charge par des soignants non vaccinés. Des politiques suggérant de faire payer leurs soins aux non vaccinés. J’ai entendu certains de mes propres collègues dire qu’on ne devraient pas soigner les non-vaccinés! Ok… belle ambiance !

Mon chois est fait. Je ne cèderai pas à ce chantage. je ne vais pas ici m’étendre surs les raisons de mon choix. Sache juste que je ne suis pas complotante, et je ne suis ni pro ni antivax. Je n’ai d’avis que pour ma seule personne. J’ai discuté de mes raisons avec ma toubib, qui les respecte même si elle n’approuve pas mon choix.
Le mois d’août avance gentiment. Beaucoup de mes collègues non encore vaccinés se résignent face au chantage financier. Et là, entre dans la course la DRH bien silencieuse depuis deux ans et qui met une pression terrible. En deux semaines, nous avons reçu trois courriers remis en mains propres, envoyés en « recommandé » et par voie postale classique. Trois courriers identiques qui nous rappellent les obligations légales instaurées en août et nous exposent les situations possibles :
Tu es vacciné·e, merci de nous faire parvenir le certificat
Tu es en cours de vaccination, merci de nous envoyer le papier
Tu n’es pas et ne compte pas être vacciné·e, dans ce cas tu dois prendre rendez-vous avec la DRH qui t’expliqueras les conséquences de ton choix et tu dois assister à une réunion avec un médecin de l’établissement qui éclairera ton choix.

Alors merci, mon choix est éclairé. Je vais assumer et j’en connais les lourdes conséquences.
J’ai le secret espoir que nous soyons  nombreux à résister. Et pourquoi pas que cette obligation soit levée.
Helas, le chantage à la perte de salaire fonctionne. Nous sommes esclaves de notre paye de fin de mois. C’est comme ça qu’ils nous tiennent, qu’ils tiennent le monde par l’argent.

Et le 15 septembre arrive.  On y est. Suspension sans salaire. Cela signifie que je n’ai plus le droit de pratiquer mon métier et que je ne touche plus mon salaire. Comme j’appartiens à la fonction publique hospitalière, ce statut m’interdit aussi de travailler dans tout autre domaine hors soin. Allez! Hop! Au clou la dangereuse irresponsable. Après 27 années d’exercice, on a décrété que j’étais un risque majeur pour la santé publique.
Stupéfaction, colère, violence, abandon, mise au rebut. Invisibilisation. Criminalisation. Voilà les mots qui me viennent pour résumer cette période. Je suis en plein processus de deuil. J’ai perdu mon métier, je dois m’en séparer. Y mettre un terme brutalement.

Je sors doucement de la stupeur. Je commence à penser à me recréer. Quelles sont mes qualités professionnelles qui pourraient me servir? Mes forces ? Que puis-je faire? Je dois trouver quelque chose d’assez rapide à acquérir. je n’ai pas la réserve financière  pour étudier des années. Il m’apparait évident que je vais rester dans quelque chose où je pourrai encore m’occuper des autres, en prendre soin. C’est qui je suis.

Petit à petit je trouve des pistes et me forme à mes frais. Des massages, la connaissance et l’utilisation des huiles essentielles. Que du bien-être, de la prévention, du confort. Je commence à me projeter. Il me faut un lieu d’exercice. je planifie des travaux d’isolation et d’aménagement de mon garage. J’ai pris goût à être à la maison et m’imgine bien savourer un thé sur la canapé entre 2 clients.

Petite parenthèse santé, je dois me mettre à jour niveau prévention (mammographie   et coloscopie) et j’ai une pathologie à une main qui nécessite une intervention. Tous les professionnels de santé qu j’ai rencontrés en tant que patiente ont été compréhensifs et bienveillants. Personne ne m’a fait de leçon de morale, ni n’a cherché à me faire changer d’avis. Certains ont plutôt manifesté de l’admiration, voire m’ont félicitée. J’ai senti à ces moments-là que beaucoup plus de soignants qu’on ne croit sont contre cette vaccination. Et très en colère de ça.

15 mars

6 mois de suspension, je vois diminuer mes économies. Les travaux, les formations, l’achat de matériel et fournitures, la vie courante. J’ai l’impression désespérante que rien n’avance. Je me sens bloquée par le statut invisibilisant. Je n’existe plus. Il faut mettre un terme à cette mascarade. Je contacte la plateforme téléphonique de pôle emploi. je veux avoir un rendez-vous pour rencontrer un conseiller afin de déterminer ce que je dois faire vis à vis de la DRH. Je veux bien faire les choses et dans le bon ordre. je veux obtenir de l’aide et des conseils pour créer mon entrepris, refaire des formations. Mais l’interlocutrice de cette plateforme n’a pas de réponse à m’apporter. « Pour rencontrer un conseiller faut être inscrit. » Mais pour m’inscrire, je ne dois plus être employée de la fonction publique hospitalière et je veux justement savoir quelles options sont possibles pour quitter ce statut et bénéficier de pôle-emploi ?  « Ah! Bah! Vous êtes bloquées. » OK! Merci! Désespoir. Pas de réponse par mail. Pas de réponse via les réseaux sociaux. Abattement.
Je suis désespérée. Seule. Invisible. J’ai l’impression d’être le tas de poussière qu’on glisse sous le coin du tapis.
Je finis par me rendre au bureau local de pôle-emploi, déterminée d’exposer mon problème si particulier et à rencontrer quelqu’un pour obtenir enfin des réponses. Et ouf! Finalement je rencontre 2 femmes accessibles et bienveillantes. La conseillère avec qui j’échange longuement m’apporte quelques réponses : l’idéal serait d’obtenir une rupture conventionnelle de contrat. J’arriverais alors dans le circuit comme tout employé du privé. Inscription, indemnités, aide à la création d’entreprise. La démission serait une autre possibilité mais zéro indemnité et des délais, encore.
Elle me glisse une piste en aparté. Si la non vaccination me rend incapable de travailler, peut-être une procédure de licenciement pour inaptitude médicale est possible.
Je sors de la un peu réconfortée. Je prends rendez-vous avec la DRH. Nous sommes à 6 moi de suspension. Je souhaite discuter d’une rupture de contrat. Refus catégorique. Elle ne peut pas, ne veut pas me payer les indemnités journalières auxquelles j’aurai droit. En effet, l’hôpital ne cotise pas à l’assurance chômage, ce n’est donc pas pôle-emploi mais la PPH qui se charge de ça. Elle est «[…] garante du bon usage de l’argent public, vous comprenez ? »
Ben non ! Je ne comprends pas, c’est dégueulasse! 27 ans que je bosse! Et rien ?!

Fin de non recevoir. La procédure de licenciement pour inaptitude n’aboutira pas. Il me faut prendre une décision pour me libérer. Je dois démissionner. Mettre un terme définitif.

Alors voilà, on y est. Après la silenciation et l’invisibilisation, c’est la disparition. Le tas de poussière sous le tapis a disparu dans l’aspirateur. Décision difficile  mais libératrice. Ça y est, je vais pouvoir avancer sur ce nouveau chemin. Je me relance dans de nouvelles formations. Comme une évidence, je vais proposer mes services bien-être aux humains mais aussi aux animaux. Massage félin, canin, naturopathie et très probablement comportementalisme félin. Je veux, j’ai toujours voulu, que tout le monde aille bien, soit heureux. Avec l’antispécisme, je veux cela aussi pour nos frères et soeurs non humains. Je prévois de proposer gracieusement mes services aux asso et refuges du coin.

Voilà où j’en suis, soignante non vaccinée démissionnaire. J’espère t’voir fait passer le ressenti de ce que j’ai traversé, les décisions imposée, la violence, l’injustice, les sacrifices demandés. Et mon cheminement face à tout cela. Cette lessiveuse émotionnelle qui te chamboule plus profond.

J’ai le luxe incommensurable de bénéficier d’une réserve financière qui me permet d’avoir du temps. Temps de deuil, temps de réflexion, temps de récupération, temps de projection.Je pense à toutes celles et tous ceux qui n’ont pas eu cette chance et qui ont dû se plier aux injonctions. A celles et ceux qui ont résister quelques mois mais ont du plier aussi. A celles et ceux qui ont perdu l’entrain d’aller bosser. Quelque chose s’est cassé en elles et eux.

Pour ma part, je finirai là-dessus, je suis persuadée qu’au final tout cela est un mal pour un bien en ce qui me concerne. Cela n’a fait qu’accélérer brutalement un processus dans lequel je m’engageais déjà doucement. L’hôpital public meurt à petit feu, nous le disons depuis des années maintenant. Rien ne bouge. Au contraire, tout se dégrade et cet énorme rouleau compresseur écrase toute envie de mieux faire.

Alors, chère fonction publique hospitalière, je te quitte et j’espère qu’à l’avenir tu vas mieux prendre soin des tiens. Mais hélas, j’en doute.

Merci à toi de m’avoir écouté.