Photo : Untitled, Frantisek Drtikol, 1919
"Le temps est passé à une allure folle. Je ne l'ai pas vu filer..."
Ah ! C'est donc ça !
Le temps est donc un cruel extravagant
Un psychopathe dévoué à sa seule liberté
Un enfant trop gâté
Que nul procréateur n’aurait jamais aimé
Ou osé regarder
Il se goinfre en silence et reste agile
On croit le surveiller, le compter, le tasser,
L'amadouer cet odieux forcené
Ce tortionnaire de Stockholm
Damnés, damnés
Mais c'est lui qui nous pompe,
Qui nous lèche, nous astique, nous suce
Un temps, on se croit forteresse, remarquable et lisse
Brindille, brindille
Un laid jour, il nous casse
Son jeu favori, "voûte-toi que je te creuse"
Le temps nous laissera tous sur le bord de la route
Sous l'enflure d'un remblai
Des dépouillés, des dépouillés
Des assoiffés faméliques
Fœtus de cendre, poussières d'étincelles
Il nous a fait naître les pieds liés à notre cénotaphe
Il est un père infanticide et sans scrupules
Un géniteur vicieux, un bienfaisant de cruauté
Il nourrit ses fidèles charognes,
Les remords et les regrets
Ôtant du bec de la mémoire et de l'annale,
La pitance prédigérée de l'existence
Humains, humains
Machination ! Intention !
Jugement ancestral et perpétuel : l'écoulement par nos vies
"Danse petite pousse ! Danse !". Il crache sur mon front
Il rit. Le dément malin
Mamelon frappé, donne-moi un monocle fumé, je te plais
Que je puisse badiner à mon tour. A mon tour
Saleté de vieillard galopin
Attaque-moi, que je te tue !
Le temps que j'ai entre les mains
Est cette arme de vigueur que tu m'as donnée
Il est encore temps, mon temps
Que je te fracasse et te mange
Si tu es le père, je suis le parricide