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En préambule

COVID19, finement confiné·e·s. Nous.

Les temps furent étranges, tellement commentés, par des personnes tellement en aptitude et en clairvoyance, que nos ignorances nous réduisirent au constat de devoir nous taire.

Celleux qui ont eu le pouvoir sur leur vie, par leurs moyens, leurs pensées, ou leur autorité auront vécu ce temps de latence dans un activisme ou un relativisme conquérant, patient. Celleux qui ne vivent de rien, dont la place sociale est de servir, qui n'ont d'autorité sur rien, auront subi. Les damné·e·s du [se] taire, prolétaires, auront été les mêmes. Fragilisé·e·s économiques, psychiques, sociologiques, dénu·é·e·s d'aptitude stratégique, iels auront subi ces temps comme autant de perditions.

Donc, tandis que les penseureuses de demain tergiversaient d'un rebond vers un "plus comme avant", les prolos complexé·e·s n'auront jamais quitté leur condition, et dès le confinement, c'était le même joug qui continuait et empirait encore, le devoir de servir augmenté, la liberté supprimée.

La fureur est pourtant là. Endormie peut-être car encore sous l'effet de l'anesthésie de "l'état d'urgence" et des injonctions de celleux qui pensent. Pourtant là, car comme jamais, il y a eu celleux qui ont servi celleux qui pouvaient se protéger.

Au réveil, racisme, classisme et hygienisme auront creusé l'écart entre celleux qui peuvent et savent et celleux qui doivent. La distanciation sociale, pire acception qui pouvait émerger de nos peurs, aura établi un système acceptable de servitudes et disloqua la révolution à venir.

Le texte de Système Plévreux qui nous arriva durant  le confinement, nous aide à nous rappeler que la Fureur qui nous permettra de vivre, est encore dans nos veines. Qui peut dire ce qu'il adviendra de la justice sociale et des droits humains quand ce qui se prépare c'est toujours plus de soumission, difficilement opposable puisque raisonnable : masque-baillon ?

Dans les luttes, la désobéissance, déraisonnable, sera -t-elle le moteur de l'émancipation ?

Néo

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Hé ! Fureur ! J'ai trop bu de mon sang !

J’ai trop bu de leur sang !


Du vin frelaté moi j'dis
Se boit comme du p'tit éthéré
Et glou et glou et glou
Ça râpe le gosier
Ça bulle dans l'encéphale
Sentiment d'ivresse
Impression d'atteindre les sommets
Appétence pour moi ! Avidité pour toi !


Puis


On oublie tout
Les autres sont des fous
La misère est humaine
La souffrance animale
Et la terre est d'ores et déjà trépassée
Dictateur ! Tu veux nous créer à ton image…

 

Et… Hé !


C'est moi le responsable
Bouture d’un créateur proclamé

D’un suzerain sanguinaire acclamé


Celui qui nous abandonne nous sauver
Ou s'embourber dans le grand merdier
 

Enivre-moi encore
Je ne veux pas être fort
Abreuve moi, sinon je mords


Hé ! Fureur !


Tu radotes
Ma matière grise est putride
Elle est liquéfiée
Et tu me remues la glotte
Comme une envie de gerber
Et de clore mes yeux à jamais

Oh !


Ça remonte…
Raz-de-marée !
Donne-moi un paillasson de liberté dépecée
Je ne veux pas éclabousser la mienne de peau
Tu comprends, il y a un million de glaviots
Qui ne songent qu'à s'extraire


Hé ! Fureur !


J'ai trop bu de notre sang

J’ai trop bu de leur sang
Il me met le bonnet
Sur une frayeur retroussée

Sur une erreur de circonstance


Comme une honte d'exister
Comme une envie de pisser

Je le sens, ça vient...
Ça va gicler !
Écorche ma mascarade pour voir !
Des cavernes de non-dits vont se creuser


Et le jus pourpre va jaillir
En caillots colorés

En grumeaux édulcorés


Sur les cuisses écartées

Sur les fantômes lapidés
Sur les enfants troués
Sur les vieux éloignés

Sur l’emprise poignardée

Sur l’agonie programmée

Sur les cous encordés
Sur les ventres bombés
Sur les corps estropiés

Sur les cris incendiés
Sur les fronts percés
Sur les regards énucléés

Sur les hurlements gazés
Sur le souffle humilié
Sur la chair enterrée
Sur les âmes noyées

Sur les gorges coupées
Sur le sein torturé

Sur les lèvres ciselées

Sur les yeux acidifiés
Sur l'autre… brûlé.e… Et l’autre, puis l’autre, puis l’autre, puis…

 



« Central Terminal 2004 », Spencer Tunick

 

Hé !


Fureur !


Une fois dégrisé
Il faudra bien un jour m'expliquer
Pourquoi vouloir nous tailler en abcès


Hé ! Fureur !


Tu vas où ? Reviens bordille ! Cagade ! Cul cousu !


Si je te promets
De la vomissure sans éclaboussures
Et "il est des nôôôôôôtres" de chanter
Tu me resserviras ? Dis ?


Mon gobelet de conscience est vidé
Stigmatise mon ignorance avec force gorgées


Ressers-moi ton cache-vérité bouchonné

Ta négation en fût de crâne martelé


Ouais !
Je le savais
Notre espèce ne sera pas égarée,

Et les autres encore moins épargnées


Amène !

 

Merde à toi ! Merde à ton dictat ! Que ton nom de terreur soit foulé par d'autres pieds !

 

Demain sera un beau jour pour ne plus… jamais… m'agenouiller

 

Système Plévreux


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Note de l'autrice :

Une certaine idée de spiritualité n'est pas ici vraiment sarcastique, elle est plutôt décalée, tronquée par la croyance.
Croyance d'un soldat à sa Fureur, prière d'un sbire à un père tout puissant, puissance similaire à celle de dieu.

Cette notion évasive de la spiritualité se trouve aussi dans une certaine prise de conscience, due à l'ivresse de la réflexion intense.
Prise de conscience qui se prend pourtant les pieds dans le tapis, en se déséquilibrant sans cesse face à une réalité et à des erreurs commises en accord avec la toute confiance que l'on a pu placer dans la croyance en un être (le père / dictateur / sauveur / dieu) ou une entité qui nous manipule (la fureur, la mégalomanie, l'ambition, l’égocentrisme, l'avidité à une reconnaissance paternelle...).

Alors oui, effectivement, cette spiritualité évoquée ici n'est pas belle à regarder, car elle a été salie par des actes qui eux n'ont pas été spirituels, mais idéologiques.

En fait, je pouvais difficilement, ici et en ce thème précis, allier une spiritualité toute lyrique et altruiste au despotisme...

 

Les armes doivent parfois être à égale stature, c'est-à-dire ici encore, sale, brute et cruelle.